4 juillet 2024 Actualités 2

Femmes ignorantes, femmes ignorées ? Comprendre le non-usage des nouvelles technologies de prévention du VIH.

La proposition de Robert Proctor de s’interroger sur ce que nous ne savons pas et pourquoi nous ne le savons pas (1991 : 13) marque le point de départ de l’étude des phénomènes d’ignorance dans le domaine de la santé. En appelant à étudier la production de l’ignorance comme un phénomène social et épistémologique, les études de l’ignorance (ignorance studies) opèrent un déplacement important dans la compréhension des phénomènes de pouvoir associés à la production de connaissances. Toutefois, si l’institutionnalisation des études de l’ignorance, ou de l’agnotologie, dans le champ de la recherche universitaire est récente et prioritairement située dans le monde nord-américain (Proctor et Schiebinger, 2008), ses prémices épistémologiques pourraient être datées antérieurement avec, d’une part, des études sur la race et le colonialisme (subalternes, décoloniales et postcoloniales, race studies et black studies, etc.) et, d’autre part, des études sur le genre et la sexualité (études féministes, LGBTQIA +, etc.). Le développement de ces différentes studies a pour point de départ la mise en cause de savoirs à prétention objective, exhaustive et souvent universelle. L’effacement des points de vue minoritaires et l’ignorance qui en résulte y sont intrinsèquement liés à la reproduction et au maintien de rapports sociaux de domination, au travers de processus de naturalisation, d’altérisation, d’infériorisation, d’oblitération, de silenciation, ou plus récemment de bifurcation épistémique [1][1]Ces différentes notions renvoient à nombre d’auteur·ices….

2Dès le début du 20e siècle, la race est énoncée comme le lieu depuis lequel une ignorance est activement produite par les sciences, concernant aussi bien les populations noires et leurs besoins que la blanchité en tant que force sociale et historique structurante (Du Bois, 1903 ; Mills, 2007). Malgré cela, le corpus de recherches sur la race et le colonialisme est relativement peu mobilisé par les ignorance studies, à l’exception notable de Shannon Sullivan et Nancy Tuana (2007). De même, alors que les études de l’ignorance et les études féministes considèrent l’ignorance comme une composante régulière et intrinsèque de la production du savoir et des technosciences (Haraway, 1991 ; Gros et McGoey, 2015), le développement des études sur l’ignorance, particulièrement sous l’angle d’une undone science[2][2]Peut se traduire par science « défaite » ou non produite. (Hess, 2009), s’est autonomisé des recherches féministes à partir des années 2010 (Bell, 2022). Pourtant, dans ces deux champs, la santé occupe une place centrale et permet d’objectiver les effets concrets de l’ignorance tant dans la vie que dans le corps des individus. Cela concerne la création d’incertitudes quant aux effets de certaines substances (tabac, amiante par exemple), de traitements et techniques médicales (contraceptif, médicament coupe-faim) ou encore de politiques industrielles (OGM, pollution environnementale).

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2 réponses

  1. GdidSanté dit :

    Cet article m’intéresse beaucoup.

  2. Lova dit :

    Cela concerne la création d’incertitudes quant aux effets de certaines substances (tabac, amiante par exemple), de traitements et techniques médicales (contraceptif, médicament coupe-faim) ou encore de politiques industrielles (OGM, pollution environnementale).

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